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mai
2023
La TVA, un impôt à recentrer sur son objectif de rendement pour les finances publiques

Publication du rapport du CPO sur la TVA : si cette taxe génère des recettes publiques significatives, le Conseil souligne l’importance de sécuriser les recettes de TVA pour faire face aux crises actuelles et répondre aux enjeux environnementaux à venir.

Par Margaux Tripier, avocate collaboratrice du pôle Fiscalité

Le 31/05/2023

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), organisme consultatif rattaché à la Cour des Comptes, a mené une étude sur la TVA en France face aux modifications de son cadre budgétaire et juridique, ainsi qu’aux préoccupations croissantes du changement climatique.
Le Conseil estime qu’il est impératif de préserver le rendement de cette taxe, qui doit servir en priorité à financer les services publics.

Le Conseil s’inquiète de la diminution progressive de la part des recettes de TVA destinée à l’État. Cette baisse est principalement due à des affectations de recettes au profit d’autres organismes publics tels que les organismes de protection sociale et les collectivités territoriales.
Le Conseil s’interroge sur la soutenabilité des finances publiques face à cette tendance de transfert de recettes visant notamment à compenser la suppression d’autres recettes fiscales (taxe d’habitation et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises).
Le Conseil souligne la tendance généralisée dans les dernières réformes fiscales à puiser dans les recettes de TVA de l’État en compensation, et recommande ainsi d’éviter, à l’avenir, les affectations de TVA en dehors du champ des organismes de protection sociale et des collectivités territoriales.

Le rendement de la TVA est par ailleurs menacé par la fraude mais aussi par la multiplication des taux réduits de TVA, qui sont souvent difficiles à remettre en question malgré leur efficacité limitée.
On estime que la fraude à la TVA pourrait atteindre les 26 milliards d’euros.
Afin de lutter contre ce phénomène, le Conseil propose d’approfondir des dispositifs mis récemment en place, tels que le paquet TVA « e-commerce » et la facturation électronique obligatoire. Une réorganisation des services d’enquête fiscale, l’adoption de nouveaux instruments juridiques devraient également favoriser une baisse des droits de TVA rappelés.

Le Conseil rappelle également que l’efficacité limitée des taux réduits de TVA qui représentent pourtant un manque à gagner important de recettes publiques. Le Conseil recommande ainsi d’éviter l’adoption de nouveaux taux réduits de TVA et de privilégier d’autres outils plus ciblés afin de concilier les objectifs économiques et de politique publique.

Le Conseil souligne également l’efficacité limitée de la TVA comme réponse aux crises actuelles économiques et géopolitiques actuelles, même si certains États membres ont pris le parti de baisser la TVA sur certains produits afin de tenter de stimuler leur économie.
Pour répondre à l’augmentation des prix de l’énergie, la France a préféré recourir à d’autres instruments tels que le « bouclier tarifaire » et le chèque énergie, qui se sont avérés plus efficaces pour protéger les ménages vulnérables tout en étant moins coûteux pour les finances publiques.

Le Conseil suggère également de privilégier d’autres instruments pour relever les défis environnementaux et de santé publique, tels que les transferts ciblés, les accises, le système européen d’échange de quotas d’émissions, les investissements ou encore la réglementation ; ces mesures étant notamment plus efficaces pour soutenir des secteurs économiques dits « sobres » tels que le transport ferroviaire et l’économie circulaire.

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24/05/2023 – Dans le cadre d’un marché à forfait, la notification du décompte définitif vaut acceptation tacite des TS qui y sont mentionnés

Par Margaux Beurey, avocate Of Counsel du pilier Building

Aux termes d’un arrêt en date du 11 mai 2023, publié au bulletin, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a jugé que justifie légalement sa décision une cour d’appel qui, abstraction faite d’une référence inopérante mais surabondante au silence gardé par le maître de l’ouvrage durant le délai lui étant imparti, à compter de la réception du mémoire de l’entreprise, pour notifier à celle-ci, après vérification, le décompte définitif, en application de la norme NF P 03.001, retient que la notification par le maître de l’ouvrage des
décomptes définitifs à l’entreprise, incluant le coût de certains travaux supplémentaires est sans équivoque, faisant ainsi ressortir que celle-ci valait acceptation expresse et non équivoque desdits travaux, réalisés hors forfait (Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 mai 2023, 21-24.884 21-25.619).

En l’espèce, dans le cadre de la réalisation de la construction d’un établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes, le Maître d’ouvrage a confié à la société A***, selon deux marchés à forfait, les lots revêtements souples et peinture.

Le délai d’exécution des marchés était prévu, selon le calendrier d’exécution notifié à l’entreprise, du 23 décembre 2013 au 6 juin 2014. La réception a eu lieu le 8 septembre 2015. La société A*** a notifié au Maître d’ouvrage ses mémoires définitifs pour les deux lots, incluant le coût de certains travaux supplémentaires et des dépenses résultant du prolongement du délai d’exécution.

Après rectification des mémoires par le maître d’œuvre, le Maître d’ouvrage a notifié les décomptes définitifs à l’entreprise.

Contestant ces derniers, la société A*** a assigné le Maître d’ouvrage en paiement de diverses sommes. Ce dernier a sollicité reconventionnellement le paiement d’une somme au titre des pénalités de retard.

Statuant sur l’appel interjeté par le Maître d’ouvrage du jugement rendu par le Tribunal de commerce de PARIS en date du 3 novembre 2017 (n°2017032588), la Cour d’appel de Paris (CA Paris, Pôle 4 – chambre 5, 1er septembre 2021, n° 18/02067) a jugé que :

« (…) la société A*** ne conteste pas que les devis de travaux supplémentaires dont elle se prévaut n’ont pas été signés par le maître d’ouvrage, ni qu’ils n’ont pas donné lieu à des ordres de service. Il résulte néanmoins de la jurisprudence prise pour l’application des dispositions de l’article 1793 du code civil que, en cas de travaux supplémentaires exécutés sans son accord préalable écrit, le maître d’ouvrage est tenu d’en payer le prix dès lors qu’il les a ratifiés, postérieurement à leur exécution, par une acceptation non
équivoque. Le fait de ne pas contester la réalisation des travaux supplémentaires et de ne pas les refuser ne suffit pas, contrairement à ce que soutient la société A***, à établir que le maître de l’ouvrage les a acceptés sans équivoque après leur réalisation.
En revanche en l’espèce, c’est à juste titre que le tribunal de commerce a considéré comme ayant été acceptés sans équivoque par le maître d’ouvrage les seuls travaux supplémentaires retenus par le maître d’œuvre dans le cadre de la vérification des mémoires définitifs opérée par ses soins et non contestés par le maître d’ouvrage lors de sa transmission des décomptes définitifs ou réputés acceptés par suite de son silence en application de l’article 19.6.2 de la norme NF P 03.001 à laquelle se réfèrent expressément les ordre de service
du 19 décembre 2012. »

Dans le cadre de son pourvoi en cassation, le Maître d’ouvrage a fait valoir notamment, d’une part, que le maître d’œuvre n’avait pas mandat de représenter le maître d’ouvrage auprès des constructeurs aux fins d’approuver des travaux supplémentaires et, d’autre part, que les règles établies par la norme Afnor ne pouvaient prévaloir sur les dispositions légales et qu’il contestait avoir commandé des travaux supplémentaires.

Or, la Cour de cassation a confirmé la décision de la Cour d’appel admettant ainsi la ratification tacite par le Maitre d’ouvrage, a posteriori, des travaux supplémentaires réalisés par l’entreprise.

En principe, la Cour de cassation a une approche restrictive de la ratification tacite des travaux supplémentaires réalisés par l’entreprise dans le cadre d’un marché à forfait, sans commande préalable et écrite.

En effet, les dispositions de l’article 1793 du Code civil encadrent de manière précise la commande de travaux supplémentaires dans le cadre d’un marché à forfait :
« Lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune
augmentation de prix, ni sous le prétexte de l’augmentation de la main-d’œuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d’augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou
augmentations n’ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire ».

Dès lors, le paiement des travaux supplémentaires nécessite que ces derniers soient effectivement commandés par le Maître d’ouvrage et que celui-ci ait émis un ordre de service préalable et écrit portant tant sur le principe de réalisation desdits travaux que sur le prix.

Cette autorisation du maître d’ouvrage doit être donnée par lui-même ou son représentant dûment mandaté par écrit (Cass. 3e civ., 24 mai 2006, n° 02-10.840).

En application de ce principe, toute commande de travaux supplémentaires passée par l’architecte n’engage pas le maître d’ouvrage, sauf justification d’un mandat exprès qui aurait été confié à l’architecte pour commander de tels travaux (Cass. 3e civ., 17 févr. 1999, n° 95-21.412 ; Cass. 3e civ., 22 oct. 2002, n° 00-13.862 ; Cass. 3e civ., 2 juin 2016, n° 15-16.673).

Cela étant, la jurisprudence a apporté un tempérament à ce principe considérant que la ratification expresse par le Maître d’ouvrage des travaux supplémentaires peut intervenir par écrit, postérieurement à leur réalisation (Cass. 3e civ., 25 octobre 2005, n°04-14995).

Concernant la ratification tacite, la jurisprudence est plus restrictive dans la mesure où, à titre d’exemple, il a été jugé que la seule connaissance par le maître d’ouvrage des travaux supplémentaires et son absence de réaction à réception des factures de l’entrepreneur ne permettait pas de caractériser un accord exprès et non équivoque du maître d’ouvrage sur la ratification desdits travaux (Cass. 3e civ., 27 juin 2019, n° 16-25.262). De même, aux termes d’un arrêt en date du 18 mars 2021 (Cass. 3e civ., 18 mars 2021, n°20-12596), la Cour de
cassation avait jugé que « les réclamations, autres que celles portant sur des travaux supplémentaires non autorisés ni régularisés par le maître de l’ouvrage, lorsqu’elles sont mentionnées dans le mémoire définitif et n’ont pas été contestées conformément à la procédure contractuelle de clôture des comptes mise en place par les parties, sont, en l’absence de contestation du mémoire définitif, réputées acceptées tacitement par le maître de l’ouvrage ».

Cela étant, par cet arrêt du 11 mai 2023, la Troisième chambre civile semble assouplir sa position, considérant qu’il y a ratification tacite des travaux supplémentaires, non autorisés ni régularisés par écrit par le Maître d’ouvrage, dès lors que ce dernier a validé et notifié les décomptes définitifs en y faisant apparaitre des travaux supplémentaires qu’il n’a pas notifiés !

Aussi, il appartient plus que jamais aux Maîtres d’ouvrage de vérifier les amendements et ratifications faits par la maîtrise d’œuvre sur les projets de décomptes définitifs avant toute notification aux entreprises, dans la mesure où ils resteront seuls débiteurs des sommes validées, sauf à se retourner ultérieurement en garantie contre le maître d’œuvre sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute.

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