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Le Conseil d’Etat précise les pouvoirs de régularisation du juge des ICPE

Par Cléophée de MALATINSZKY, Avocate collaboratrice

Le 28/11/2023

 

CE, 10 nov. 2023, n°474431

 

Dans un avis du 10 novembre 2023 (n°474431), le Conseil d’Etat a précisé dans quelles conditions les outils dont dispose le juge en vue de la régularisation des autorisations environnementales peuvent également s’appliquer dans le cas des installations soumises à enregistrement.

Pour mémoire, les installations classées pour la protection de l’environnement (ci-après « ICPE ») soumises à enregistrement sont celles qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement (à la différence des ICPE soumises à déclaration) qui peuvent néanmoins être prévenus par le respect de prescriptions générales (à la différence du régime d’autorisation).

Les sites relevant du régime d’enregistrement sont aujourd’hui les plus nombreux et seraient plus de 22 000^1.

Pour autant, alors que le juge des ICPE bénéficie de moyens de régularisation des autorisations environnementales afin de prescrire des injonctions moins contraignantes que l’annulation, de tels outils étaient jusqu’alors inapplicables dans le cas des ICPE soumises à enregistrement.

En effet, l’article L. 181-18 du code de l’environnement prévoit que le juge administratif doit, uniquement lorsqu’il est saisi de conclusions contre une autorisation environnementale, et après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés :

  • soit sursoir à statuer pour permettre, si les vices sont régularisables, la régularisation de l’autorisation environnementale ;
  • soit, lorsque le vice qu’il retient n’affecte qu’une partie de la décision ou une phase seulement de la procédure, limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce.

Par le présent avis, le Conseil d’Etat étant le champ d’application de l’article L. 181-18 au projet :

  • faisant l’objet, en application du 7° du paragraphe I de l’article L. 181-2 du code de l’environnement, d’une autorisation environnementale tenant lieu d’enregistrement ;
  • ou soumis à évaluation environnementale donnant lieu à une autorisation du préfet en application du troisième alinéa du II de l’article L. 122-1-1 du même code.

Dans les autres cas, les dispositions de l’article L. 181-18 du code de l’environnement ne sont pas applicables.

Néanmoins, en vertu des pouvoirs qu’il tient de son office de juge de plein contentieux des ICPE (article L. 514-6 du code), le juge administratif peut :

  • s’il estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d’être régularisée, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le juge peut préciser, par sa décision avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l’intervention d’une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée. En outre, le juge peut limiter la portée ou les effets de l’annulation qu’il prononce si le ou les vices qu’il retient n’affectent qu’une partie de la décision.
  • lorsque l’annulation n’affecte qu’une partie seulement de la décision, déterminer s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties non viciées de cette décision.
  • lorsque l’annulation n’affecte qu’une partie seulement de la décision, au titre de son office de juge de plein contentieux, autoriser lui-même, à titre provisoire, et le cas échéant sous réserve de prescriptions et pour un délai qu’il détermine, la poursuite de l’exploitation de l’installation en cause, dans l’attente de la régularisation de sa situation par l’exploitant.

 

^1  Conclusions sous l’avis du 10 novembre 2023 n° 474431 : « 22.136 sites enregistrés contre 20.557 sites autorisés, selon les dernières données publiées par le ministère. Au total 526 arrêtés préfectoraux d’autorisation environnementale et 770 arrêtés préfectoraux d’enregistrement ont été pris en 2022 ».