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Les bénéficiaires du FCTVA sécurisent leur récupération de la TVA à travers les règles de sectorisation d’activités

Par Margaux TRIPIER, Avocate collaboratrice

Le 18/04/2024

CAA de DOUAI, 2ème chambre, 20 février 2024, 22DA02555

 

La Cour administrative d’appel de Douai confirme l’éligibilité au Fonds de compensation de TVA des dépenses d’investissement affectées au service de collecte de déchets ménagers, financé par la taxe d’enlèvement d’ordure ménagères, nonobstant l’assujettissement à la TVA des activités de traitement et valorisation des déchets, constituant un secteur d’activité distinct au plan de la TVA.

Lorsqu’un même contribuable exerce différentes activités soumises à des dispositions variables en matière de TVA, celles-ci doivent être traitées séparément pour l’exercice du droit à déduction.

La création de secteurs distincts est dite de droit : elle s’impose aussi bien à l’administration fiscale qu’aux contribuables, soit lorsque la situation de chaque activité, au regard de la TVA, conduit à appliquer cette règle, soit lorsque les textes législatifs ou réglementaires prévoient sa mise en œuvre (CGI, Annexe II, Article 209, I).

La jurisprudence récente a surtout été l’illustration d’une opposition de ces règles aux contribuables.

On se souvient ainsi de la saga jurisprudentielle sur l’épineux sujet de la récupération de la TVA des EHPAD (CE 3e – 8e s.-s. 20-10-2014 n° 364715, Sté La Galicia ; et dernier état avec la décision CE 7-10-2020 n° 426661 Sté Résidence de la Forêt).

Pour autant, ces règles peuvent être opposées également à l’administration, et c’est ce que confirme la CAA de Douai par une application en miroir des règles d’éligibilité au Fonds de compensation de TVA (FCTVA).

Rappelons que des secteurs distincts d’activité doivent être constitués lorsque (CGI, ann. II art. 209, I.al. 2 ; BOFiP-TVA-DED-20-20-§ 20 à 100-25/10/2022) :

  • le même assujetti exerce plusieurs activités, déterminées selon un ensemble de critères tenant à la fois à la nature économique de chaque activité et, surtout, à l’utilisation de moyens d’exploitation propres (investissements et personnels distincts) ;
  • les différentes activités exercées obéissent à des règles différentes au regard de la TVA, en particulier au regard des règles de droit à déduction de la TVA.

Par ailleurs, en application de dispositions législatives ou réglementaires spécifiques, un certain nombre d’activités doivent être constituées en secteurs distincts d’activités pour l’exercice du droit à déduction, telles que :

  • chaque immeuble ou ensemble d’immeubles ou fraction d’immeuble dont la livraison à soi-même est imposable (livraisons à soi-même de logements sociaux à usage locatif ou certains travaux de réhabilitation réalisés dans les mêmes logements) ou dans lequel sont réalisés des travaux d’amélioration, de transformation ou d’aménagement de logement dont les livraisons à soi-même sont imposables (CGI art. 257, I.3 ; CGI art. 278 sexies II) ;
  • les locations d’immeubles à usage professionnel soumises à la TVA sur option (CGI art. 260, 2° ; ann. II art. 193) ;

Enfin, concernant plus particulièrement les bénéficiaires du FCTVA, les collectivités locales sont tenues de sectoriser les activités qu’elles soumettent à la TVA sur option, comme : la fourniture de l’eau dans les communes de moins de 3 000 habitants, l’assainissement, ou l’enlèvement et traitement des ordures, déchets et résidus lorsque ce service donne lieu au paiement de la redevance pour services rendus (CGCT art. L. 2333-76).

Au-delà des règles administratives (comptabilité et déclaration distinctes) qui peuvent en découler, l’obligation de sectorisation peut entraîner des conséquences financières dans la mesure où chaque secteur d’activité est considéré comme une entreprise distincte pour l’exercice du droit à déduction.

La Cour administrative d’appel de Douai limite toutefois ces conséquences en confirmant l’éligibilité au FCTVA des dépenses d’investissement affectées à un secteur d’activité hors du champ d’application de la TVA.

En effet, la Cour affirme que si les activités de collecte des déchets et celles de traitement et de valorisation sont complémentaires l’une de l’autre, elles peuvent être exercées par des opérateurs différents, avec un personnel, des équipements et des techniques propres à chacun d’eux. Ainsi, ces activités exercées au titre de personnel, équipements et techniques propres, répondent également à un cadre réglementaire et fiscal distinct. Elles doivent dès lors être regardées comme constituant des secteurs d’activité distincts et par suite, l’éligibilité au FCTVA de ses dépenses d’investissement doit également être examinée dans le cadre de chacun de ces secteurs d’activité.

En l’occurrence, les dépenses d’investissement litigieuses dont le syndicat s’est prévalu dans sa demande adressée en 2019 ont été exposées dans le seul intérêt du service de collecte des déchets ménagers qui est financé par la perception d’une taxe sur l’enlèvement des ordures ménagères et n’est donc pas assujetti à la TVA. Il s’ensuit que les investissements litigieux ne peuvent être regardés comme étant utilisés pour la réalisation d’opérations soumises, même partiellement, à la TVA et peuvent, toutes conditions remplies par ailleurs, ouvrir droit au bénéfice du FCTVA.

Si cette précision prétorienne renforce utilement la sécurité juridique des bénéficiaires du FCTVA, ces derniers restent néanmoins confrontés à de multiples incertitudes à la suite de la réforme d’automatisation du Fonds (article 251 de la loi n°2020-1721 de finances pour 2021).

Historiquement, six conditions cumulatives devaient être réunies pour qu’une dépense d’investissement puisse ouvrir droit à une attribution du FCTVA, à savoir :

  1. La dépense doit avoir été réalisée par un bénéficiaire du fonds ;
  2. Le bénéficiaire doit être compétent pour agir dans le domaine concerné ;
  3. Le bénéficiaire doit être propriétaire de l’équipement pour lequel cette dépense a été engagée ;
  4. La dépense doit être une dépense réelle d’investissement ;
  5. Une dépense grevée de TVA non exposée pour les besoins d’une activité assujettie à la TVA ;
  6. La dépense ne doit pas être relative à un bien cédé ou confié à un tiers non bénéficiaire du fonds.

Toutefois, l’automatisation progressive de la gestion du FCTVA à compter du 1er janvier 2021 s’appuie sur le recours à une base comptable des dépenses engagées et mises en paiement avec une dématérialisation de la procédure d’instruction, de contrôle et de versement.

Les impacts subséquents qu’ont pu avoir cette réforme sur les conditions juridiques du régime d’attribution du FCTVA ont fait l’objet d’éclaircissements récents par le biais des commentaires de l’administration fiscale ainsi qu’au cours des travaux parlementaires de la loi de finances pour 2023 qui mériteraient d’être confirmés, particulièrement au vue des disparités de pratiques de comptabilisation des participations versées au titre des opérations d’aménagement.