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Une réforme annoncée de la loi SRU

Par Sophie Imbault, Avocate associée

Le 06/03/2024

 

Conformément à l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation (CCH) et sous réserve de certaines dérogations, les communes doivent en principe comprendre sur leur territoire, au moins 25 % de logements locatifs sociaux.

Ce dispositif dit « SRU » dont l’échéance initiale était fixée pour 2025, a été pérennisé par la loi du 21 février 2022 dite « 3DS ».

Aux termes de son discours de politique générale en date du 31 janvier 2024, le Premier ministre Gabriel Attal a fait part de la volonté de faire évoluer la loi SRU :

  • « D’une part, les maires auront enfin la main pour la première attribution des logements sociaux dans leurs communes. »
  • « D’autre part, les logements intermédiaires, accessibles à la classe moyenne seront désormais inclus dans le calcul de la part de logement social, dans le cadre de la loi SRU. »

 

(i) Sur le renforcement du rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux, il peut être relevé qu’une proposition de loi a été adoptée par le Sénat en première lecture, déposée à l’Assemblée nationale le 10 octobre 2023.

Cette proposition vise notamment à modifier l’article L. 441-2 du CCH afin d’accorder la présidence des Commissions d’Attribution de Logements et d’Examen de l’Occupation des Logements (Caleol) au maire en lieu et place, à droit constant, d’un représentant de l’organisme HLM.

Également, la voix prépondérante en cas de partage du maire deviendrait un droit de véto. Dans le cas d’une Caleol intercommunale, le représentant de l’EPCI en aurait la présidence.

Le Sénat a instauré par amendement un siège de représentant du conseil départemental à la Caleol.

Sur la base d’un amendement, encore, les organismes HLM devraient créer une commission de concertation chargée de suivre les programmes de constructions neuves jusqu’à leur date de livraison, qui serait présidée par le maire de la commune concernée.

Il ne ressort pas clairement du discours de politique générale que l’ambition annoncée se confonde nécessairement avec cette proposition de loi émanant de Mme Sophie Primas, sénatrice. A cet égard, il sera relevé que le discours de politique général mentionne la « première attribution » des logements, alors que la proposition de loi vise à un renforcement plus pérenne et systématique, dans le cadre des Caleol.

Les débats parlementaires à intervenir sur cette proposition et/ou le dépôt d’un éventuel projet de loi distinct du gouvernement devra donc faire l’objet d’un suivi attentif.

Cette réforme ne manquera pas d’interroger sur l’autonomie actuelle des organismes, via leurs Caleol.

Il semble par ailleurs qu’un axe de renforcement via les conventions de réservation dont les communes peuvent, sous certaines conditions, être bénéficiaires, n’ait pas été retenu dans le cadre des évolutions envisagées.

 

(ii) Sur la prise en compte des logements intermédiaires au titre du décompte SRU, il convient de rappeler que la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018, dite loi ELAN prévoyait déjà l’intégration de nouvelles catégories de logements à l’inventaire SRU, « assimilés » à des logements locatifs sociaux :

  • les logements en location-accession (PSLA) occupés ayant fait l’objet de la signature d’un contrat de postérieurement à la publication de la loi ELAN, et ce pour une durée de 5 ans suivant la levée d’option ;
  • et, depuis le 1er janvier 2019, les logements faisant l’objet d’un bail réel solidaire (BRS).

S’agissant de ces dispositifs, si l’assimilation aux logements « locatifs » nécessite effectivement une exception, elle demeure cohérente eu égard à leur nature (logements « sociaux), dès lors qu’ils relèvent de la mission de service d’intérêt économique général (SIEG) des organismes d’HLM, définie à l’article L. 411-2 du CCH.

Tel n’est pas le cas des logements locatifs intermédiaires (LLI), hors-SIEG depuis le 1er janvier 2020, qui ne sont donc pas des logements « sociaux » et qui ne sont pas soumis, par ailleurs, à une attribution par les Caleol.

Ainsi, cette annonce n’a pas manqué de susciter de vives réactions. Les craintes exprimées sont notamment relatives à une substitution progressive des logements intermédiaires, au détriment des logements sociaux.

Ces craintes pourraient éventuellement être apaisée par encadrement des modalités d’intégration du logements intermédiaires (par exemple : limitation dans le temps de l’assimilation au titre du décompte SRU et/ou pourcentage maximal de LLI pris en compte à ce titre). En l’état, ces modalités ne sont pas annoncées.

Nous suivrons donc avec attention les évolutions envisagées, probablement dans le cadre d’un projet de loi à débattre courant 2024.