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février
2024
Demande d’autorisation d’urbanisme : le régime des modifications en cours d’instruction

Par Cléophée de MALATINSZKY, Avocate collaboratrice

Le 01/02/2024

CE, 1er décembre 2023, n° 448905

 

Par un arrêt n°448905 du 1er décembre 2023, le Conseil d’Etat a clarifié le régime et les incidences des modifications d’un projet en cours d’instruction d’une autorisation d’urbanisme.

Cet arrêt était particulièrement attendu dans la mesure où aucune disposition dans le code de l’urbanisme ne prévoit la possibilité pour le pétitionnaire de faire évoluer son projet en cours d’instruction de sa demande d’autorisation.

Il s’agit pourtant d’une pratique fréquente de la part des pétitionnaires, qui peuvent souhaiter faire évoluer leur projet, par exemple du fait d’éventuels échanges avec les services instructeurs.

Le Conseil d’Etat vient ainsi entériner un tel usage, admis par les autres juridictions, autorisant à apporter des modifications mineures à un projet en cours d’instruction (CAA Nancy, 7 février 2019, n° 18NC01631) sans déclencher un nouveau délai d’instruction (TA Paris, 7 octobre 2010, n° 0814892 ; CAA Versailles, 28 janvier 2022, n° 20VE01270).

Premièrement, le Conseil d’Etat limite les modifications pouvant être apportées au projet avant l’intervention d’une décision expresse ou tacite aux « modifications qui n’en changent pas la nature ». Dans ce cas, le pétitionnaire doit adresser une demande en ce sens accompagnée de pièces nouvelles qui sont intégrées au dossier afin que la décision finale porte sur le projet ainsi modifié.

La notion de changement de nature du projet n’est pas nouvelle puisqu’elle est également utilisée pour déterminer si des modifications apportées à un projet après la délivrance d’une autorisation expresse ou tacite peuvent faire l’objet d’un permis modificatif (CE, 26 juillet 2022, n° 437765).

Le pétitionnaire pourra donc raisonner par analogie sur les décisions déjà rendues par le juge administratif au titre des demandes de permis modificatif pour déterminer si les modifications apportées à son projet en changent ou non sa nature.

Le Conseil d’Etat opère ainsi une harmonisation des régimes de modification des projets avant et après délivrance expresse ou tacite de l’autorisation d’urbanisme.

Deuxièmement, concernant les effets des modifications sur le délai d’instruction, le Conseil d’Etat considère que ces dernières sont en principe sans incidence sur la date de naissance d’un permis tacite.

Néanmoins, lorsque, du fait de l’objet, l’importance ou la date à laquelle les modifications sont présentées, leur examen ne peut pas être mené à bien dans le délai d’instruction initial, l’administration peut prescrire un nouveau délai aux termes duquel la demande modifiée sera réputée acceptée. L’administration doit toutefois informer le pétitionnaire « par tout moyen » de cette nouvelle date avant la date à laquelle serait normalement intervenue une décision tacite. A défaut, une décision tacite sera réputée née.

Dans cette hypothèse dérogatoire (en cas d’évolution – a priori relativement importante du projet, l’administration est alors regardée comme saisie d’une nouvelle demande se substituant à la demande initiale à compter de la date de la réception des pièces nouvelles. Elle peut alors demander au pétitionnaire, dans le délai d’un mois prévu à l’article R. 423-38 du code de l’urbanisme, toute pièce manquante nécessaire à l’examen du projet modifié.

En l’espèce, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel au motif qu’elle n’a pas recherché si les modifications apportées au projet, par l’envoi de pièces nouvelles le 27 octobre et 25 novembre 2016, portant, d’une part, sur l’implantation d’un ouvrage d’art et, d’autre part, sur l’insertion paysagère du parking, n’étaient pas susceptibles d’influer sur la date de naissance du permis tacite fixée au 29 novembre 2016.

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