Par Damia DAKATE, avocate collaboratrice
Dans cette affaire, la ville de Paris avait mis en demeure la société Frichti et la société Gorillas Technologies France de restituer dans leur état d’origine les locaux, initialement commerciaux, qu’ils occupaient pour la réception et le stockage ponctuel de marchandises, au motif, d’une part, qu’elles avaient opéré un changement de destination non déclaré et, d’autre part, que ce changement de destination n’était pas autorisé à Paris, le règlement du PLU interdisant la transformation en entrepôt de locaux existants en rez-de-chaussée sur rue.
Par une ordonnance n°2219412/4 du 5 octobre 2022, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, saisi d’un référé-suspension par les deux sociétés, avait suspendu les décisions de la ville de Paris au motif notamment que les locaux concernés constituaient des espaces « de logistique urbaine » ce qui leur conférait la qualité de « CINASPIC » autorisée par le règlement du PLU.
Par cette décision n°468360 du 23 mars 2023, publié au Recueil, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance précitée et rejette les demandes de suspensions présentées par les sociétés requérantes pour absence de doute sérieux quant à la légalité des actes.
Le Conseil d’Etat rappelle d’abord que le maire peut parfaitement adresser une mise en demeure, sur le fondement de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme, de remettre en état un bien ayant fait l’objet d’un changement de destination non déclaré, nonobstant l’absence de travaux.
Il rappelle ensuite que l’existence ou non d’un changement de destination s’apprécie au regard des dispositions du code de l’urbanisme, en l’occurrence au regard des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code tels que précisés par un arrêté du 10 novembre 2016, énumérant les différentes destinations et sous-destinations des constructions.
Enfin, le Conseil d’Etat juge qu’en l’espèce l’occupation des locaux par les sociétés Frichti et Gorillas :
– constituait un changement de destination nécessitant une déclaration préalable dès lors que les locaux ne correspondaient plus à la sous-destination « artisanat et commerce de détail » recouvrant les activités « destinées à la présentation et vente de bien directe à une clientèle » au sens des articles précités du code de l’urbanisme mais correspondaient à la sous-destination « entrepôt » recouvrant les activités « destinées au stockage des biens ou à la logistique » ;
– était contraire à la règlementation du PLU de Paris dans la mesure où, contrairement à ce qu’avait jugé le TA de Paris, elle ne correspondait pas à une logique de logistique urbaine qui, en application des dispositions du PLU aurait pu la faire entrer dans la catégorie autorisée des « CINASPIC » ; il considère en effet que l’activité en cause avait pour objet de permettre « l’entreposage et le reconditionnement de produits non destinés à la vente aux particuliers dans ces locaux », qu’elle relevait donc de la destination « Entrepôt » au sens du PLU et qu’elle ne pouvait prendre place par transformation de locaux existants en rez-de-chaussée sur rue.
A noter la parution d’un décret n° 2023-195 du 22 mars 2023 « portant diverses mesures relatives aux destinations et sous-destinations des constructions pouvant être réglementées par les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu » créant dans la destination « autres activités des secteurs primaire, secondaire et tertiaire » une nouvelle sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne » distincte de la sous-destination « entrepôt ».