Earth Avocats

A partner for your projects

Agrivoltaïsme et photovoltaïque : les précisions du décret du 8 avril 2024 quant aux conditions d’implantation des installations

Sorry, this entry is only available in Fr.

Par Damia KACETE, Avocate collaboratrice, et Benoît PERRINEAU, Avocat associé

Le 14/05/2024

Décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 relatif au développement de l’agrivoltaïsme et aux conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers

 

Introduction 

Le décret paru le 8 avril 2024 marque une étape importante dans la mise en œuvre de la planification énergétique dans son volet « énergie solaire ».

Il affine en cela les conditions d’implantation sur le territoire des installations agrivoltaïques et photovoltaïques et définit leur contrôle tout au long de leur exploitation.

Il intègre quatre volets de dispositions portant sur :

  • Les modalités d’établissement du document-cadre ayant vocation à régir, pour l’avenir, les lieux d’implantation des installations photovoltaïques
  • Les critères (très précis) de définition de l’installation agrivoltaïque
  • Le régime des autorisations d’urbanisme associées
  • La durée des autorisations, les conditions de démantèlement et de remise en état après exploitation des installations

Entrée en vigueur des dispositions :

  • Pour les installations agrivoltaïques, elles s’appliquent aux demandes de permis ou aux déclarations préalables déposées à compter d’un mois après la date de publication du décret, soit à compter du 8 mai 2024.
  • Pour les installations photovoltaïques, elles s’appliquent aux demandes de permis ou aux déclarations préalables déposées à compter d’un mois après la publication du document-cadre départemental relatif aux zones ouvertes à ces installations.

 

Installations photovoltaïques : précisions sur l’élaboration du document-cadre régissant leur implantation

Rappel : la définition

Pour rappel, ce document-cadre identifie certaines surfaces en dehors desquelles ne peut être implanté aucun ouvrage de production d’électricité à partir de l’énergie solaire, à l’exception des installations agrivoltaïques.

Ces surfaces, destinées à accueillir les installations photovoltaïques, sont celles dont les sols sont réputés incultes ou non exploités depuis une durée minimale.

 

Apports du décret : sur le contenu du document cadre

Dans ce contexte, le décret apporte des éléments d’information sur le contenu du document-cadre :

  • en précisant ce qu’il convient d’entendre par « sol réputé inculte »,
  • en fixant la durée minimale précitée à 10 ans,
  • en fixant une liste de zones devant être incluses au sein du document-cadre (sites pollués, anciennes carrières, anciens aérodromes, etc.) assorties pour certaines d’exceptions, notamment si des prescriptions de remise en état agricole ou forestière ont été édictées,
  • en fixant une liste de zones à l’inverse insusceptibles d’être incluses au sein du document-cadre (zones agricoles protégées au titre de l’article L. 112-2 du code rural et de la pêche maritime ; périmètres dans lesquels a été ordonné la mise en œuvre d’un aménagement foncier agricole et forestier en application de l’article L. 121-14 du code rural et de la pêche maritime, etc.).

 

Apports du décret : sur la procédure d’élaboration du document-cadre

D’un point de vue procédural, le décret indique que la proposition de document-cadre émise par la chambre départementale d’agriculture est transmise pour avis aux représentants des organisations professionnelles agricoles intéressées, aux représentants des professionnels des énergies renouvelables, aux représentants des collectivités concernées et à la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. A l’expiration d’un délai de deux mois à compter de leur saisine, leur avis est réputé favorable. (art. R. 111-61 du C. en)

Les chambres départementales d’agriculture disposent d’un délai de neuf mois à partir de la publication du présent décret pour transmettre au représentant de l’Etat dans le département leur proposition de document-cadre. (art. 8 du décret n° 2024-318 du 8 avril 2024)

 

Les apports du décret sur les critères de définition de l’installation agrivoltaïque

Pour rappel, L. 314-36 du code de l’énergie énumère l’ensemble des critères permettant de qualifier une installation d’agrivoltaïque.

 

La loi exige de l’installation d’être une installation dont les modules “sont situés sur une parcelle agricole”. (art. L. 314-36, I. du C. en)
   
Le décret précise la notion de “parcelle agricole” sur laquelle doit se situer l’installation.
  La “parcelle agricole” est entendue non pas comme le périmètre délimité par les limites parcellaires mais comme “le périmètre présentant les mêmes caractéristiques agricoles, supportant un projet d’installation agrivoltaïque et déterminé par les limites physiques d’une implantation continue de panneaux photovoltaïques”. ( nouvel art. R. 314-108 du C. en)

 

La loi exige de l’installation d’apporter « directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants (…) : / 1° L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ; / 2° L’adaptation au changement climatique ; / 3° La protection contre les aléas ; 4° L’amélioration du bienêtre animal » (art. L. 314-36, II.) ;

 

Le décret précise la nature des services que doit apporter l’installation
   
  Le service « d’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques »
  Il s’agit :

–          soit :

o   d’une part, de l’amélioration des qualités agronomiques du sol

o   et, d’autre part, de l’augmentation du rendement de la production agricole ou, à défaut, du maintien de ce rendement ou au moins de la réduction de la baisse tendancielle du rendement qui est observée au niveau local.

–          soit de la remise en activité agricole ou pastorale d’un terrain agricole inexploité depuis plus de cinq années (Art. R. 314-110)

  Le service « d’adaptation au changement climatique »
  Il s’agit de la limitation des effets néfastes du changement climatique se traduisant par

–          une augmentation du rendement de la production agricole ;

–          ou, à défaut, à la réduction, voire au maintien, du taux de la réduction tendancielle du rendement qui est observée au niveau local ;

–          ou par une amélioration de la qualité de la production agricole.

Cette limitation s’apprécie notamment par l’observation de l’un des effets adaptatifs suivants :

–          en termes d’impact thermique, par la fonction de régulation thermique de la structure en cas de canicule ou de gel précoce ou tardif ;

–          en termes d’impact hydrique, par la limitation du stress hydrique des cultures ou des prairies, l’amélioration de l’efficience d’utilisation de l’eau par irrigation ou la diminution de l’évapotranspiration des plantes ou de l’évaporation des sols, et par un confort hydrique amélioré ;

–          en termes d’impact radiatif, par la limitation des excès de rayonnement direct conduisant notamment à une protection contre les brûlures foliaires (art. R. 314-111)

  Le service de « protection contre les aléas »
  Il s’agit de la protection apportée par les modules agrivoltaïques contre au moins une forme d’aléa météorologique, ponctuel et exogène à la conduite de l’exploitation et qui fait peser un risque sur la quantité ou la qualité de la production agricole, à l’exclusion des aléas strictement économiques et financiers (art. R. 314-112)
  Le service « d’amélioration du bien-être animal »
  Il s’agit de l’amélioration du confort thermique des animaux, démontrable par l’observation d’une diminution des températures dans les espaces accessibles aux animaux à l’abri des modules photovoltaïques et par l’apport de services ou de structures améliorant les conditions de vie des animaux (art. R. 314-113)

 

La loi Exige de l’installation de garantir « à un agriculteur actif ou à une exploitation agricole à vocation pédagogique gérée par un établissement relevant du titre Ier du livre VIII du code rural et de la pêche maritime[1] une production agricole significative et un revenu durable » (art. L. 314-36, II.) 
   
Le décret précise la notion d’agriculteur « actif » auquel l’installation doit garantir une production agricole significative et un revenu durable 
  l’agriculteur “actif” correspond à toute personne physique ou morale qui répond aux conditions de l’article D. 614-1 du code rural et de la pêche maritime ; en cas de changement d’exploitant agricole, la durée pendant laquelle l’exploitation de l’installation d’agrivoltaïsme se poursuit sans agriculteur actif, au sens de l’alinéa précédent, ne peut excéder 18 mois (art. R. 314-109)
   
  Précise la notion de production agricole « significative » que l’installation doit garantir à un agriculteur actif ou à des exploitations agricoles à vocation pédagogique
  Il s’agit d’une production dont la moyenne du rendement par hectare observé sur la parcelle agricole au sens de l’article R. 314-108 est supérieure à 90 % de la moyenne du rendement par hectare observé sur une zone témoin ou un référentiel en faisant office.

La zone témoin, définie par ce même article, correspond à une zone équivalente en termes de conditions pédoclimatiques et de culture, située à proximité de l’installation agrivoltaïque, mais ne comportant ni installation équipée de modules photovoltaïques ni installation ou arbre apportant de l’ombre.

Dans certaines conditions, le préfet du département peut néanmoins réduire la proportion de rendement exigé et octroyer des dérogations à l’obligation de se référer à la zone témoin (art. R. 314-115). S’agissant des installations sur serre et des installations agrivoltaïques sur élevage, le caractère significatif de la production est apprécié au regard d’autres référentiels (art. R. 314-116 et R. 314-117).

   
  Précise la notion de « revenu durable » que l’installation doit garantir à un agriculteur actif ou à des exploitations agricoles à vocation pédagogique
  Il s’agit de la moyenne des revenus issus de la vente des productions végétales et animales de l’exploitation agricole après l’implantation de l’installation agrivoltaïque n’est pas inférieure à la moyenne des revenus issus de la vente des productions végétales et animales de l’exploitation agricole avant l’implantation de l’installation agrivoltaïque, en tenant compte de l’évolution de la situation économique générale et de l’exploitation, selon des modalités définies par arrêté (art. R. 314-117)

 

La loi Exige de l’installation de permettre à la production agricole « d’être l’activité principale de la parcelle agricole » (art. L. 314-36, IV.) ; le caractère principal de l’activité « peut s’apprécier au regard du volume de production, du niveau de revenu ou de l’emprise au sol » (art. L. 314-36, V)

 

Le décret précise les conditions permettant à la production agricole de constituer l’« activité principale » sur la parcelle où elle est installée
  Il convient que :

–          la superficie qui n’est plus exploitable du fait de l’installation agrivoltaïque n’excède pas 10 % de la superficie totale couverte par l’installation agrivoltaïque ;

–          la hauteur de l’installation agrivoltaïque ainsi que l’espacement inter-rangées permettent une exploitation normale et assurent notamment la circulation, la sécurité physique et l’abri des animaux ainsi que, si les parcelles sont mécanisables, le passage des engins agricoles ;

–          pour les installations de plus de 10 MW crête n’étant pas régies de l’installation agrivoltaïque n’excède pas 40 % (art. R. 314-118).

Le taux de couverture d’une installation agrivoltaïque est défini comme le rapport entre, d’une part la surface maximale projetée au sol des modules photovoltaïques sur le périmètre mentionné à l’article R. 314-108 dans des conditions normales d’utilisation et, d’autre part, la surface de la parcelle agricole définie à l’article R. 314-108.

S’agissant des installations utilisant des technologies éprouvées, un arrêté à venir fixera la valeur maximale de taux de couverture pouvant permettre de garantir que la production agricole reste l’activité principale de la parcelle (art. R. 314-119).

 

Le régime des autorisations d’urbanisme

La compétence exclusive du préfet en matière d’agrivoltaïsme

Le décret pose le principe d’une compétence exclusive du préfet pour autoriser les installations agrivoltaïques y compris celles accessoires à une construction. (art. R. 422-2 et R. 422-2-1 du C. urb)

 

Le contenu des dossiers de demande de permis de construire ou de déclaration préalable

Le décret précise le contenu du dossier de demande de permis de construire ou de déclaration préalable relatif aux installations photovoltaïques et agrivoltaïques. A noter qu’en matière d’agrivoltaïsme, le dossier doit comporter des notes techniques permettant d’établir que l’installation respecte l’ensemble des conditions de l’article L. 314-36 du code de l’énergie permettant de la regarder comme une installation agrivoltaïque.

Il précise les modalités de constitution de garanties financières. (art. R. 431-27, R. 431-36 et art. R. 111-64 du C. urb)

 

La durée d’autorisation, le démantèlement et la remise en état après exploitation

Durée maximale d’autorisation de 40 ans

La durée maximale d’autorisation des installations photovoltaïques et agrivoltaïques est de 40 ans, avec une possibilité de prorogation de dix ans lorsque l’installation présente encore un rendement significatif.

 

1 an pour démanteler et remettre en état le site

Le décret précise la nature des opérations de démantèlement et de remise en état du site après exploitation, qui doivent être menées dans un délai d’un an à compter de la fin de l’exploitation de l’installation énergétique ou de la date d’échéance de son autorisation, avec une possibilité, sous conditions, qu’il soit étendu jusqu’à trois ans.

 

Un régime de contrôle précis pour chaque type d’installation

Le décret institue un régime de contrôle encadré :

  • L’organisme de contrôle (art. R. 314-120 du C. en)

Le décret définit quel organisme est responsable des contrôles des installations.

Il peut être un organisme scientifique, un institut technique agricole, une chambre d’agriculture ou un expert foncier et agricole mentionné à l’article L. 171-1 du code rural et de la pêche maritime.

Un arrêté a vocation à déterminer les conditions de compétence et d’indépendance de l’organisme contrôleur.

  • Les différents temps de contrôle

En matière d’agrivoltaïsme (art. R. 314-120 à R. 314-122 du C. en) :

Il intervient :

  • préalablement à la mise en service, sur l’installation agrivoltaïque et la zone témoin,
  • dans la 6ème année de la mise en service, pour vérifier le respect des conditions relatives au caractère agricole des parcelles, aux exploitants et aux services apportés par l’installation,
  • à la fin de l’exploitation, en vue d’attester de la bonne fin des opérations de démantèlement et de remise en état, ainsi que du maintien des qualités agronomiques des sols.

En matière d’installations photovoltaïques au sol (art. R. 463-1 du C. urb) :

Il intervient :

  • préalablement à la mise en service,
  • six ans après l’achèvement des travaux, afin de s’assurer notamment que les fonctions écologiques du sol, ainsi que son potentiel agronomique ne sont pas durablement affectées par l’installation.

Ces contrôles donnent lieu à des rapports transmis à l’autorité compétente en matière d’urbanisme.

Un arrêté a vocation à intervenir.

En matière de serres, hangars et ombrières à usage agricole supportant des panneaux photovoltaïques (art. R. 463-4 du C. en) :

Ils bénéficient de leur propre régime de contrôle : le respect des conditions de compatibilité avec l’activité agricole, pastorale ou forestière peut être contrôlé de manière inopinée, a priori jusqu’à six ans après l’achèvement des travaux.

  • Les sanctions

Un régime de sanction est par ailleurs institué.

En matière d’agrivoltaïsme (art. R. 314-120 et R.314-122 du C. en) :

En cas de méconnaissance des règles relatives au contrôle ou de l’absence de respect des conditions de légalité de l’installation, l’autorité compétente en matière d’urbanisme :

  • met en demeure la personne à laquelle incombe l’obligation d’y satisfaire dans un délai qu’elle détermine,
  • peut imposer :
    • une sanction pécuniaire et le cas échéant le retrait ou la suspension de l’autorisation d’exploiter ;
    • dans le cas de l’absence de démantèlement ou de remise en état du site ou d’absence de transmission du rapport attestant de la bonne fin des contrôles et du maintien des qualités agronomiques des sols : outre les sanctions ci-avant rappelées, la réalisation d’office des travaux et la mise en œuvre des garanties financières, en faisant supporter au propriétaire du terrain d’assiette le coût du dépassement éventuel par ces travaux du montant de ces garanties financières.

En matière d’installations photovoltaïques au sol (art. R. 463-2 et R. 463-3 du C. urb) :

Quand il est constaté que les conditions de compatibilité avec l’activité agricole, pastorale ou forestière ne sont plus réunies, l’autorité compétente en matière d’urbanisme :

  • met en demeure l’exploitant de se mettre en conformité ;
  • à défaut, met en œuvre les procédures de sanctions prévues au titre VIII du livre IV du code de l’urbanisme et peut également prescrire le démantèlement de l’installation dans un délai qu’elle détermine et, faute pour l’exploitant d’y procéder, peut y procéder d’office ; à cet égard, elle met en œuvre les garanties financières constituées et fait supporter au propriétaire du terrain d’assiette le coût du dépassement éventuel par ces travaux du montant de ces garanties financières.

En matière de serres, hangars et ombrières à usage agricole supportant des panneaux photovoltaïques (art. R. 463-4 du C. urb) :

Quand il est constaté que les conditions de compatibilité avec l’activité agricole, pastorale ou forestière ne sont plus réunies, l’autorité compétente en matière d’urbanisme :

  • met en demeure l’exploitant de se mettre en conformité,
  • a défaut, prescrit le démantèlement de l’installation.

 

 

[1] Ces dispositions concernent les exploitations agricoles à vocation pédagogique gérées par des établissements publics ou privés sous contrat de formation agricole.