Earth Avocats

A partner for your projects

Délai de prescription en matière contractuelle : la Cour de cassation confirme le point de départ à la livraison des matériaux

Sorry, this entry is only available in Fr.

Par Anne RENAUX, Avocate collaboratrice

Le 14/11/2024

Cass. 3e Civ. 3 octobre 2024, n°22-22.792

 

Par un arrêt rendu en date du 3 octobre 2024, la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation a retenu que le délai de prescription de l’action contractuelle directe du maître d’ouvrage, fondée sur le manquement au devoir d’information et de conseil, court à compter de la livraison des matériaux à l’entrepreneur.

En l’espèce, deux SCI qui ont souscrit une assurance dommages-ouvrage et une assurance constructeur non-réalisateur, ont entrepris la construction d’un groupe d’immeubles, constitué de deux résidences à destination de logements, commerces et bureaux, à vendre en l’état futur d’achèvement.

Les constructeurs en charge du lot « charpente métallique » et du lot « serrurerie » étaient respectivement chargés de la fourniture et de la pose de lames brise-soleil et de garde-corps.

La réception de ces deux résidences a eu lieu les 5 juillet 2004 et 9 novembre 2005.

Se plaignant de l’apparition de dégradation et de pelage sur lesdits garde-corps et lames brise-soleil, le syndicat des copropriétaires de l’une des résidences a, par actes des 25 novembre 2013, 15 janvier, 3 et 4 mars 2014 assigné en référé-expertise le promoteur, et les constructeurs puis, par acte du 22 octobre 2014, l’assureur dommages-ouvrage.

Par actes des 20, 26 juin et 1er juillet 2014, l’assureur dommages-ouvrage a assigné au fond plusieurs locateurs d’ouvrage et leurs assureurs, étant précisé que l’un de ces locateurs d’ouvrage a appelé en cause le fabricant de ces matériaux.

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 17 novembre 2015.

Par conclusions régularisées le 11 août 2016, le syndicat des copropriétaires, intervenu volontairement à l’instance, a sollicité réparation de ses préjudices, et formulé des demandes à l’encontre du fabricant des matériaux litigieux en se fondant sur le manquement à son devoir de conseil.

Néanmoins, la Cour d’appel de Toulouse a déclaré les demandes du syndicat des copropriétaires irrecevables pour prescription, considérant que l’action dirigée par le syndicat des copropriétaires contre le fabricant de matériaux avait expiré le 19 juin 2013, soit 5 ans après la date d’entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

Le syndicat des copropriétaires a formé un pourvoi, aux termes duquel ce dernier a soutenu que le point de départ de son délai d’action, régi par l’article 2224 du Code civil, court à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer une action à l’encontre du fabricant des matériaux litigieux. Le syndicat des copropriétaires n’a pas manqué de se prévaloir du fait que le rapport expertal a été déposé le 17 novembre 2015, lequel a permis de conclure à un défaut de fabrication des panneaux litigieux, se révélant sous l’effet du rayonnement solaire et des intempéries.

La Troisième Chambre Civile a rejeté ce moyen du pourvoi en rappelant tout d’abord que « le délai de prescription de l’action contractuelle directe du maître de l’ouvrage contre le fabricant, fondée sur le manquement au devoir d’information et de conseil, court à compter de la livraison des matériaux à l’entrepreneur (3e Civ, 7 janvier 2016, pourvoi n°14-17.033 publié) ».

La Troisième Chambre Civile a ensuite souligné que « le délai de prescription de dix ans, prévu à l’article L.110-4,I du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, ayant été réduit, par celle-ci, de dix à cinq ans, la cour d’appel, qui a constaté, par motifs adoptés, que les matériaux litigieux avaient été livrés à l’entrepreneur les 30 janvier 2004, 20 avril et 3 juin 2005, en a justement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et la prescription de dix ans, en cours à la date d’entrée en vigueur de cette loi, étant régie par les dispositions transitoires de son article 26, II, que celle-ci expirait le 19 juin 2013 et que l’action des syndicats des copropriétaires engagée contre la société Prodema le 25 novembre 2013 était, par conséquent, prescrite ».

La Cour de cassation a jugé que la Cour d’appel avait légalement justifié sa décision, en retenant que l’action du syndicat des copropriétaires courait à compter de l’entrée en vigueur de la loi précitée, soit le 19 juin 2008, et que cette action d’une durée quinquennale était prescrite au 19 juin 2013.

Manifestement, le syndicat des copropriétaires n’a pu que regretter que l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ait significativement réduit le délai de prescription de l’action de 10 à 5 ans, empêchant la sienne de prospérer, alors que les matériaux litigieux ont été livrés les 30 janvier 2004, 20 avril et 3 juin 2005.

Il convient de rappeler que la loi du 17 juin 2008 a pour objet de simplifier et de clarifier le régime des prescriptions civiles, une simplification et une clarification qui ne semblent pas si évidentes à l’aune de cet arrêt.