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Réception Tacite des Travaux : la Cour de cassation durcit les conditions

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Par Marie BLANDIN, Avocate collaboratrice

Le 13/06/2024

Civ. 3e, 23 mai 2024, n°22-22.938

 

En droit de la construction, la réception est définie comme « l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves » selon les dispositions de l’article 1792-6 du Code civil.

Cette réception est classiquement matérialisée par un procès-verbal. Toutefois, ce document n’est pas le seul moyen d’exprimer la volonté du maître de l’ouvrage !

Lorsque la réception écrite est absente ou impossible, les juges ont envisagé la réception tacite en s’appuyant sur un faisceau d’indices démontrant la volonté réelle et non équivoque du maître de l’ouvrage (Cass. civ. 3e, 18 nov. 1992 ; Cass. civ. 3e, 7 déc. 1988 ; Cass. civ. 3e, 24 juin 1992).

La réception tacite repose donc sur la volonté sous-entendue du maître de l’ouvrage. Cependant, cette présomption n’est pas absolue et doit être confirmée par d’autres éléments…

Parmi ces indices, la prise de possession de l’ouvrage, combinée avec le paiement total ou partiel du prix, laisse présumer une acceptation des travaux réalisés (Civ. 3e, 16 mars 1994 ; Civ. 3e, 10 juill. 1995).

Selon la jurisprudence ancrée, en l’absence de paiement intégral, il ne peut y avoir réception tacite (Civ. 3, 30 janvier 2019, n°18-10.197, 18-10.699), bien que le paiement d’une partie substantielle des travaux suffise si la prise de possession est constatée (Civ. 3, 15 juin 2022, nº 21-15.023).

Dans le cadre de travaux sur existants, une nouvelle décision de la Cour de cassation, en date du 23 mai 2024, a apporté des précisions importantes.

En effet, la Cour a statué qu’en cas de travaux sur un ouvrage existant, la prise de possession ne pouvait être présumée uniquement du fait que le maître de l’ouvrage occupait les lieux.

Selon la Haute Cour de justice, « le maître de l’ouvrage occupait déjà les lieux avant l’exécution des travaux », ce qui ne permettait pas de présumer une réception tacite !

De surcroît, la Cour a également relevé que « les travaux de finition n’avaient été ni exécutés ni payés, alors qu’ils faisaient partie d’une mission unique ».

Ainsi, même en présence d’un paiement partiel et de l’occupation des lieux, ces éléments ne sont pas suffisants pour établir une réception tacite selon les juges du Quai de l’Horloge.

Cette décision illustre l’importance de la combinaison des indices pour établir la réception tacite, et confirme que l’occupation des lieux par le maître de l’ouvrage après les travaux, sans paiement complet et en l’absence de finition des travaux, ne suffit pas à présumer cette réception.

Les juges du fond ont ainsi souverainement conclu que la réception ne pouvait être divisée en tranches et que la volonté de réceptionner devait être clairement démontrée.