Par Cléophée de Malatinszky, Avocate collaboratrice
Le 24/09/2024
Par un arrêt n° 472039 du 24 juillet 2024, le Conseil d’Etat a tranché la question de savoir comment interpréter l’obligation, au titre des dispositions du code de l’environnement portant sur les installations classées pour la protection de l’environnement, de produire un document « justifiant que le projet est conforme [au document d’urbanisme] en vigueur au moment de l’instruction » lorsque les règles d’urbanisme changent entre la date de dépôt de la demande et la délivrance de l’autorisation.
L’article L. 181-1 du code de l’environnement dispose que « l’autorisation environnementale (…) est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu’ils ne présentent pas un caractère temporaire : / (…) 2° Installations classées pour la protection de l’environnement mentionnées à l’article L. 512-1 ».
L’article D. 181-15-2 précise que « lorsque l’autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l’article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. (…) Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : / (…) 12° Pour les installations terrestres de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent : / a) (…) un document établi par le pétitionnaire justifiant que le projet est conforme, selon le cas, au règlement national d’urbanisme, au plan local d’urbanisme ou au document en tenant lieu ou à la carte communale en vigueur au moment de l’instruction ; ».
En pratique, ce document peut poser des difficultés pour le pétitionnaire puisque la procédure d’instruction de la demande d’autorisation environnementale peut être longue.
En effet, l’article L. 181-9 du code de l’environnement dispose que l’instruction se déroule en deux phases, une phase d’examen et de consultation et une phase de décision, avec un délai minimum de 6 mois (9 mois à l’époque des faits[1]). Cette instruction peut d’ailleurs être prolongée dans les hypothèses fixées aux articles R. 181-16 à D. 181-44-1 du code de l’environnement.
Certains pétitionnaires sont donc confrontés à un changement de règles en matière d’urbanisme applicables à leur projet pendant l’instruction de leur demande d’autorisation environnementale, ce qui fût le cas pour la société Plumieux Energies au cas d’espèce.
La société a en effet déposé un dossier de demande d’autorisation environnementale le 5 juin 2018 en vue de l’installation de l’exploitation de deux aérogénérateurs et un poste de livraison sur la commune de Plumieux.
Le document de conformité au plan d’urbanisme en vigueur au moment de l’instruction a été délivré sous l’empire du PLU approuvé le 5 septembre 2017.
Toutefois, un nouveau PLU avait été approuvé le 9 mars 2021 dans le délai entre le dépôt du dossier et le jour de la délivrance de l’autorisation préfectorale le 30 juin 2021.
La Commune de Plumieux a contesté l’arrêté préfectoral devant la Cour administrative d’appel de Nantes, notamment au motif que le dossier de demande ne comportait de document justifiant que le projet est conforme au plan local d’urbanisme en vigueur au moment de l’instruction, sous-entendu le PLU en vigueur au moment de l’autorisation. La Cour administrative d’appel a rejeté le recours et la Commune s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.
Le Conseil d’Etat a tout d’abord précisé que la conformité du projet aux règles d’urbanisme tel qu’imposé par l’article D. 181-15-2 du code de l’environnement s’appréciait au regard des règles d’urbanisme en vigueur à la date du dépôt de sa demande[2].
Néanmoins, le Conseil d’Etat a considéré que la Cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit dès lors qu’elle n’a pas recherché si le nouveau PLU « comportait des dispositions qui étaient de nature à avoir une incidence sur le projet de parc éolien justifiant qu’un complément soit apporté sur ce point au dossier de demande d’autorisation environnementale ».
Cette position du Conseil d’Etat est en droite lignée avec la jurisprudence déjà établie dès lors qu’il a précédemment jugé que les règles de forme et de procédure[3] (comprenant les obligations de composition du dossier) régissant la demande d’autorisation devaient être appréciées compte tenu des circonstances de droit et de fait en vigueur à la date de la délivrance de l’autorisation.
Ainsi, sans pour autant exiger du pétitionnaire de fournir automatiquement un nouveau document de conformité, le Conseil d’Etat impose néanmoins de vérifier si les évolutions des règles d’urbanisme ont eu un impact sur la conformité de son projet.
Le porteur de projet peut alors être confronté à deux hypothèses :
Soit les modifications des règles ne concernent pas celles applicables au projet : il n’y aurait dans ce cas pas de nécessité de compléter le dossier ;
Soit les modifications impactent la conformité du projet aux règles d’urbanisme : dans ce cas l’opérateur devra transmettre un document complémentaire portant sur la conformité du projet aux règles nouvellement modifiées.
[1] Le délai d’instruction des demandes d’autorisation environnementale a été raccourci par la loi n° 2023-973 relative à l’industrie verte.
[2] CE, 24 juillet 2024, n° 472039 : « 3. Il résulte des dispositions de l’article D. 181-15-2 qui viennent d’être citées que le dossier de demande d’autorisation environnementale pour une installation terrestre de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent doit comprendre un document établi par le pétitionnaire justifiant de la conformité du projet de parc éolien aux documents d’urbanisme en vigueur à la date du dépôt de sa demande. Il appartient, le cas échéant, au pétitionnaire, dans le cas où, au cours de l’instruction de sa demande d’autorisation, les documents d’urbanisme applicables font l’objet d’évolutions qui sont de nature à avoir une incidence sur le projet, de compléter son dossier par la production d’un nouveau document justifiant de la conformité du projet aux nouvelles dispositions d’urbanisme, applicables à la date de la décision statuant sur sa demande ».
[3] CE, 11 mars 202, n° 423164 : « 3. En premier lieu, il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement d’apprécier le respect des règles relatives à la forme et à la procédure régissant la demande d’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d’urbanisme, qui s’apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l’autorisation. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d’autorisation d’une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d’entacher d’irrégularité l’autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative. Eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées ».
Voir également CE, 22 septembre 2014, n° 367889 ; CE, 9 août 2023, n° 455196