Par Emmeline BOITEL, Avocate collaboratrice
Le 04/04/2024
Conseil d’État, 8 mars 2024, req. n°460964
Par une décision du 8 mars 2024, le Conseil d’Etat est venu préciser les conditions dans lesquelles des travaux d’intervention relevant du régime des IOTA réalisés successivement doivent être regardés comme une même opération devant faire l’objet d’une demande unique.
On rappellera que l’article R. 214-42 du code de l’environnement dispose que :
« Si plusieurs ouvrages, installations, catégories de travaux ou d’activités doivent être réalisés par la même personne sur le même site, une seule demande d’autorisation ou une seule déclaration peut être présentée pour l’ensemble de ces installations.
Il en est obligatoirement ainsi lorsque les ouvrages, installations, travaux ou activités dépendent de la même personne, de la même exploitation ou du même établissement et concernent le même milieu aquatique, si leur ensemble dépasse le seuil fixé par la nomenclature des opérations ou activités soumises à autorisation ou à déclaration, alors même que, pris individuellement, ils sont en dessous du seuil prévu par la nomenclature, que leur réalisation soit simultanée ou successive. (…) »
Ces dispositions encouragent le regroupement des démarches administratives en permettant de déposer une seule déclaration ou demande d’autorisation lorsque l’opération concerne différents ouvrages, travaux ou activités, envisagés par la même personne sur un même site.
Ainsi, la demande unique trouve à s’appliquer lorsque les conditions suivantes sont remplies :
A ce titre, le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de juger que pour déterminer si les ouvrages, installations, travaux ou activités (IOTA) sont soumis à déclaration ou à autorisation au regard de la nomenclature définie à l’article R. 214-1 du code de l’environnement, l’administration est tenue d’inviter le pétitionnaire à former une demande unique pour le ou les projets formant ensemble une seule et même opération, dès lors que ces projets dépendent de la même personne, exploitation ou établissement et concernent le même milieu aquatique (CE, 30 mars 2015, n° 360174).
Dans sa décision du 8 mars 2024, le Conseil d’Etat va plus loin en apportant des précisions sur la manière dont s’apprécie une opération d’ensemble.
Dans cette affaire, la fédération de l’Yonne pour la pêche et la protection du milieu aquatique (FYPPMA) a dans un premier temps réalisé des travaux de vidange complète d’un étang, en vue de son effacement ultérieur, étant précise que ces travaux n’étaient pas soumis à une procédure administrative au titre de la législation sur l’eau au motif qu’ils bénéficiaient du régime juridique applicable aux piscicultures prévu à l’article L. 431-7 du Code de l’environnement.
Or, ces travaux de vidange ont été complétés par des travaux de curage et de destruction de la digue de l’étang.
En outre, l’association requérante soutenait que ces différents travaux et interventions réalisés par la FYPPMA sur le site de l’étang constituaient une seule et même opération, réalisée par une personne unique sur un même milieu aquatique, de sorte que l’instruction par l’administration de ce projet aurait dû être réalisée sous forme d’une procédure unique au titre de la nomenclature IOTA, conformément aux dispositions de l’article R. 214-42 du code de l’environnement.
Ce moyen a été retenu par le Conseil d’Etat qui a jugé que :
« 4. Les dispositions de l’article R. 214-42 du code de l’environnement impliquent que le pétitionnaire saisisse l’administration d’une demande unique pour les projets qui forment ensemble une même opération lorsque cette dernière, prise dans son ensemble, dépasse le seuil fixé par la nomenclature des opérations ou activités soumises à autorisation ou à déclaration et dès lors que ces projets dépendent de la même personne, exploitation ou établissement et concernent le même milieu aquatique, y compris lorsqu’il est prévu de les réaliser successivement. Pour apprécier si des projets successifs doivent faire l’objet d’une demande unique, puis déterminer, en fonction des seuils applicables à ces opérations ou activités, s’ils doivent être soumis à déclaration ou autorisation au regard de la nomenclature définie à l’article R. 214-1 du même code, l’administration doit se fonder sur l’ensemble des caractéristiques des projets, en particulier la finalité des opérations envisagées et le calendrier prévu pour leur réalisation. »
Il en résulte que pour caractériser une opération d’ensemble devant faire l’objet d’une demande unique relevant de la législation sur l’eau, il doit être tenu compte des caractéristiques des projets, et plus spécifiquement de la finalité des travaux envisagés et du calendrier prévu pour leur réalisation.
Le Conseil d’Etat dégage donc deux nouveaux critères permettant d’identifier si plusieurs travaux réalisés successivement relevant de la loi sur l’eau doivent être regardés comme une seule opération soumise alors à une demande unique auprès de l’administration :
Faisant application de ces critères le Conseil d’Etat a donc considéré que les travaux réalisés sur le site qui avaient pour finalité la suppression de l’étang, devaient être regardés comme une même et unique opération portée par une même personne dans un même milieu aquatique et ayant la même finalité. Dans ces conditions, cette même et unique opération était soumise à la procédure unique en application en application de l’article R. 214-42 du code de l’environnement.
En cas de travaux multiples et successifs, les porteurs de projets devront donc s’interroger sur le fait de savoir si ces travaux sont susceptibles d’être regardés comme une opération unique, laquelle justifiera le dépôt d’une unique demande au titre de la loi sur l’eau, et ce quand bien même ces travaux pris individuellement sont en dessous des seuils prévus par la nomenclature.