Par Anne Renaux, Avocate collaboratrice
Le 23/05/2024
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 29 février 2024, 22-23.082, Inédit
Dans un arrêt remarqué, rendu le 29 février 2024, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation rappelle que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue, et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance, si elle s’était réalisée.
En l’espèce, un propriétaire bailleur, qui se plaignait de dégradations locatives, avait donné congé à son locataire. Dans le prolongement de la restitution des lieux par ce dernier, le propriétaire bailleur n’avait pas manqué de l’assigner devant le Juge des Contentieux de la Protection aux fins d’indemnisation de son préjudice.
Par un jugement en date du 28 mars 2022, le Juge des Contentieux de la Protection a condamné le locataire, au titre de l’ensemble des préjudices allégués par son ancien bailleur.
Cela étant, le Juge des Contentieux de la Protection s’est abstenu de comparer les états des lieux d’entrée et de sortie établis contradictoirement, en retenant que le montant du devis réparatoire fourni par le bailleur n’était pas excessif.
Plus curieusement encore, le Juge des Contentieux de la Protection a fait droit aux prétentions du propriétaire bailleur, qui soutenait avoir subi un préjudice tenant à la perte de chance de vendre son bien dès sa restitution, compte tenu de son état, et a condamné l’ancien locataire au paiement des cinq mois écoulés entre son congé et la vente du bien.
Celui-ci s’est pourvu en cassation, soutenant qu’en l’ayant condamné à payer la somme correspondant aux cinq mois écoulés entre le congé et la vente de l’appartement, soit l’ensemble des échéances de prêt que le bailleur avait contracté et dû régler jusqu’à la vente, le Juge des Contentieux de la Protection avait violé l’article 1231-2 du Code civil et les principes régissant la réparation de la perte de chance.
Suivant le raisonnement du demandeur au pourvoi, la Troisième Chambre Civile a cassé, et annulé en toutes ses dispositions le jugement déféré.
Au visa de l’article 1231-2 du Code civil, la Haute Juridiction a rappelé le principe selon lequel la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue.
Aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation a considéré que le Juge des Contentieux de la Protection avait violé les dispositions de l’article 1231-2 du Code civil, « alors qu’en considération de l’aléa existant quant à la réalisation de la vente, la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue, et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée ».
Manifestement, la Cour de cassation entend rappeler, une nouvelle fois, que la réparation de la perte de chance, qui est une catégorie de préjudice de création jurisprudentielle, ne doit pas correspondre à la totalité du gain espéré, mais qu’elle doit être ajustée en fonction de la probabilité de la survenance de la chance perdue (Cass. 1re Civ. 14 nov. 2019, n°18-23.915).