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Agrivoltaïsme : point sur les dernières décisions intervenues en la matière

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Par Damia KACETE, Avocate collaboratrice

Le 29/10/2024

 

N.B. Ces décisions ont été rendues sous l’empire de la législation antérieure à la loi APER et au décret du 8 avril 2024. Elles portent sur des projets réputés agrivoltaïques (ombrières ou serres agrivoltaïques) mais qui ne répondent pas nécessairement à la définition des « projets agrivoltaïques » issue du code de l’énergie.

 

1. Zone agricole : les installations doivent être compatibles avec l’exercice d’une activité agricole (TA Orléans, 23 mai 2024, n° 2303308).

Dans cette décision, le tribunal administratif d’Orléans met en lumière les caractéristiques permettant de considérer qu’un projet agrivoltaïque maintient de manière significative l’exercice d’une activité agricole sur le terrain où il est implanté.

Pour rappel, en application de l’article L. 151-11 du code de l’urbanisme, les installations photovoltaïques en zone agricole doivent être compatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées.

Pour déterminer ce caractère compatible, il convient d’appliquer la jurisprudence constante du Conseil d’Etat en la matière selon laquelle le projet doit permettre l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière significative sur le terrain d’implantation du projet, (i) au regard des activités qui sont effectivement exercées dans la zone concernée du plan local d’urbanisme ou, le cas échéant, auraient vocation à s’y développer, (ii) en tenant compte notamment de la superficie de la parcelle, de l’emprise du projet, de la nature des sols et des usages locaux (CE 8 février 2017, Photosol, req. n° 395464, publié au Recueil).

Dans cette décision, le tribunal administratif d’Orléans rappelle tout d’abord que les dispositions de l’article L. 151-11 n’imposent pas le maintien d’une activité agricole identique à celle existant avant la mise en œuvre du projet.

Il considère ensuite que doit être regardé comme permettant le maintien d’une activité agricole significative – et donc comme étant compatible avec l’exercice d’une activité agricole – le projet dans lequel :

  • les panneaux photovoltaïques occupent 33% de l’emprise du site agricole ;
  • les panneaux photovoltaïques occupent 33% de l’emprise du site agricole ;
  • le reste des parcelles est dédié à une activité d’élevage s’inscrivant dans une filière locale existante, nonobstant le fait que l’exploitation ovine concernée n’était pas préexistante à l’implantation des panneaux ;
  • une convention d’engagement a été signée entre l’exploitant de l’installation, le collectif d’agriculteurs, la chambre d’agriculture et un nouvel éleveur, attestant de l’installation, grâce à ce projet, de cet éleveur pour renforcer les exploitations agricoles de la commune.

 

2. Zone de montagne : les installations doivent être nécessaires à l’activité agricole au sens de l’article L. 122-11 du code de l’urbanisme (TA Lyon, 19 sept. 2024, n° 2311036)

Ici, la décision du tribunal administratif de Lyon illustre un cas dans lequel un projet d’ombrières agrivoltaïques est regardé comme nécessaire à l’activité agricole, au sens des dispositions de l’article L. 122-11 du code de l’urbanisme relatif aux zones de montagne.

Selon ces dispositions, de telles installations ne peuvent être autorisées que si elles sont assimilées à des « constructions nécessaires aux activités agricoles, pastorales et forestières ».

Le tribunal reconnait ce caractère nécessaire au projet agrivoltaïque en cause, malgré un avis défavorable de la CDPENAF, compte-tenu de ce qu’il était établi, à la fois par l’étude d’impact et par des études portant sur d’autres projets agrivoltaïques :

  • les effets bénéfiques de l’ombrage des panneaux solaires sur les pelouses et prairies destinées aux pâturages (en particulier, la réduction de la température lors d’épisodes de fortes chaleurs, améliorant ainsi le bien-être animal en limitant le stress physique et thermique ; une augmentation de la mise à l’herbe du troupeau, notamment lors des périodes de forts ensoleillements ; la protection des brebis à l’égard des prédateurs ; ou encore l’amélioration agronomique du sol) ;
  • que le déplacement des bovins actuellement présents sur le terrain d ‘assiette du projet sur d’autres parcelles ne remettait pas en cause le maintien ou le développement de cette activité.

Le tribunal précise par ailleurs que sont sans incidence sur ce constat l’absence au dossier d’un projet de convention avec un organisme reconnu en matière de suivi agronomique, ou d’autorisations d’exploitation des agriculteurs.

 

3. Zone inondable : les installations situées en zone d’aléa résiduel, non soumise à des règles limitatives par le plan de prévention des risques d’inondation, ne peuvent être refusées sur le fondement d’un risque pour la sécurité publique (TA Nîmes, 18 juin 2024, n° 2302743)

Dans cette décision le tribunal administratif de Nîmes rappelle tout d’abord qu’un refus de permis motif pris d’un risque pour la sécurité publique (art. R. 111-2 du code de l’urbanisme) ne peut être opposé que s’il n’est pas légalement possible d’accorder l’autorisation en l’assortissant de prescriptions permettant d’assurer la conformité de l’installation aux dispositions de l’article R. 111-2.

Le tribunal constate ensuite que le projet de serre agrivoltaïque en cause est situé en zone d’aléa résiduel par le PPRI applicable et que le règlement de cette zone ne prévoit aucune règle limitative quant à la construction de serres.

Il conclut ainsi que « compte tenu de l’objet du projet et du risque d’inondation résiduel, il n’est pas établi que le projet en litige présenterait un risque à la sécurité publique ou encore une aggravation d’un éventuel risque d’inondation ».

 

4. Agrivoltaïsme et référé-liberté (TA Nîmes, 2 sept. 2024, n° 2403355)

Le tribunal administratif de Nîmes constate l’absence d’urgence extrême à suspendre, sur le fondement de l’article L. 521-2 du CJA, les travaux d’implantation de persiennes agrivoltaïques jusqu’à ce que le préfet se prononce sur la demande de dérogation d’espèces protégées compte tenu, d’une part, de l’absence de caractérisation du caractère sensible de l’environnement dans lequel s’implante le projet et, d’autre part, de l’absence d’incidences fortes de celui-ci sur cet environnement.

 

5. QPC : Absence de caractère sérieux des griefs soulevés à l’encontre de la loi APER (CE 3 oct. 2024, n° 494941)

Dans cette décision, le Conseil d’Etat rejette la QPC soulevée à l’encontre de l’article 54 de loi n°2023-175 du 10 mars 2023, dite loi APER, à l’occasion du contentieux toujours en cours d’instruction portant sur le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 relatif au développement de l’agrivoltaïsme et aux conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers.

Plusieurs griefs étaient soulevés :

  • l’absence de dispositions spécifiques destinées à éviter ou à limiter l’artificialisation des sols dans le cadre de l’implantation de parcs photovoltaïques sur des espaces naturels, agricoles ou forestiers ;
  • l’absence de dispositions spécifiques destinées à prémunir les agriculteurs contre les effets néfastes des ondes électromagnétiques émises par les installations photovoltaïques qu’ils seraient amenés à implanter ;
  • l’absence d’obligation générale de garanties financières ;
  • l’absence de dispositions spécifiques de nature à limiter les atteintes à la biodiversité ;
  • l’absence de mécanisme de prévention du risque d’incendie spécifique à l’implantation des installations agrivoltaïques.

Le Conseil d’Etat considère, au terme de cette décision, que l’ensemble de ces griefs tiré de la méconnaissance des 1er, 3 et 5 de la Charte de l’environnement ne revêt pas de caractère sérieux compte tenu, notamment, des dispositions suffisantes propres à cette loi assurant la réversibilité, le démantèlement et la remise en état aussi bien des installations agrivoltaïques que des installations « agricompatibles », et des autres dispositifs législatifs de droit commun.