Earth Avocats

A partner for your projects

News

April
2023
05/04/2023 – Les darkstores prenant place au rez-de-chaussée donnant sur rue d’anciens locaux commerciaux interdits à Paris

Sorry, this entry is only available in French.

Par Damia DAKATE, avocate collaboratrice

Dans cette affaire, la ville de Paris avait mis en demeure la société Frichti et la société Gorillas Technologies France de restituer dans leur état d’origine les locaux, initialement commerciaux, qu’ils occupaient pour la réception et le stockage ponctuel de marchandises, au motif, d’une part, qu’elles avaient opéré un changement de destination non déclaré et, d’autre part, que ce changement de destination n’était pas autorisé à Paris, le règlement du PLU interdisant la transformation en entrepôt de locaux existants en rez-de-chaussée sur rue.

Par une ordonnance n°2219412/4 du 5 octobre 2022, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, saisi d’un référé-suspension par les deux sociétés, avait suspendu les décisions de la ville de Paris au motif notamment que les locaux concernés constituaient des espaces « de logistique urbaine » ce qui leur conférait la qualité de « CINASPIC » autorisée par le règlement du PLU.

Par cette décision n°468360 du 23 mars 2023, publié au Recueil, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance précitée et rejette les demandes de suspensions présentées par les sociétés requérantes pour absence de doute sérieux quant à la légalité des actes.

Le Conseil d’Etat rappelle d’abord que le maire peut parfaitement adresser une mise en demeure, sur le fondement de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme, de remettre en état un bien ayant fait l’objet d’un changement de destination non déclaré, nonobstant l’absence de travaux.

Il rappelle ensuite que l’existence ou non d’un changement de destination s’apprécie au regard des dispositions du code de l’urbanisme, en l’occurrence au regard des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code tels que précisés par un arrêté du 10 novembre 2016, énumérant les différentes destinations et sous-destinations des constructions.

Enfin, le Conseil d’Etat juge qu’en l’espèce l’occupation des locaux par les sociétés Frichti et Gorillas :
– constituait un changement de destination nécessitant une déclaration préalable dès lors que les locaux ne correspondaient plus à la sous-destination « artisanat et commerce de détail » recouvrant les activités « destinées à la présentation et vente de bien directe à une clientèle » au sens des articles précités du code de l’urbanisme mais correspondaient à la sous-destination « entrepôt » recouvrant les activités « destinées au stockage des biens ou à la logistique » ;
– était contraire à la règlementation du PLU de Paris dans la mesure où, contrairement à ce qu’avait jugé le TA de Paris, elle ne correspondait pas à une logique de logistique urbaine qui, en application des dispositions du PLU aurait pu la faire entrer dans la catégorie autorisée des « CINASPIC » ; il considère en effet que l’activité en cause avait pour objet de permettre « l’entreposage et le reconditionnement de produits non destinés à la vente aux particuliers dans ces locaux », qu’elle relevait donc de la destination « Entrepôt » au sens du PLU et qu’elle ne pouvait prendre place par transformation de locaux existants en rez-de-chaussée sur rue.

A noter la parution d’un décret n° 2023-195 du 22 mars 2023 « portant diverses mesures relatives aux destinations et sous-destinations des constructions pouvant être réglementées par les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu » créant dans la destination « autres activités des secteurs primaire, secondaire et tertiaire » une nouvelle sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne » distincte de la sous-destination « entrepôt ».

Read more
March
2023
29/03/2023 – Un usufruitier peut-il agir sur le fondement de la garantie décennale ?

Sorry, this entry is only available in French.

Par Célia TESSIER, avocate collaboratrice

« L’usufruitier, quoique titulaire du droit de jouir de la chose comme le propriétaire, n’en est pas le propriétaire et ne peut donc exercer, en sa seule qualité d’usufruitier, l’action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l’ouvrage et non à sa jouissance.

Il en résulte que l’usufruitier qui n’a pas qualité pour agir sur le fondement de la garantie décennale, peut néanmoins agir, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, en réparation des dommages qui lui cause la mauvaise exécution des contrats qu’il a conclus pour la construction de l’ouvrage, y compris les dommages affectant l’ouvrage. » 1

Tels sont les termes de la décision rendue le 16 novembre 2022 par les juges de la troisième chambre civile de la Cour de cassation.

En l’espèce, une société usufruitière avait confié à un entrepreneur la réalisation de travaux de réalisation d’une charpente et de revêtement d’un bâtiment à usage commercial. Des désordres ont été constatés par l’usufruitière qui a formé opposition à une ordonnance portant injonction de payer le solde du prix du marché et formé des demandes reconventionnelles aux fins d’indemnisation de ses préjudices.

Les juges du fond ont rejeté l’ensemble des demandes de l’usufruitière fondées aussi bien sur la responsabilité décennale que sur la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur. L’usufruitière a alors formé un pourvoi en cassation, se prévalant de son statut d’usufruitier, de la garantie décennale et de la responsabilité contractuelle de droit commun.

Concernant la garantie décennale, la Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme le raisonnement de la Cour d’appel qui « après avoir relevé que la société reconnaissait être usufruitière de l’ouvrage et ne pas avoir été mandaté par le nu-propriétaire, a retenu que cette société ne pouvait agir contre le constructeur et l’assureur sur le fondement de la garantie décennale. »

La Cour de cassation rappelle la lettre de l’article 578 du Code civil, qui pour mémoire dispose que « l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété et ce, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance. ».

Il convient également de rappeler les termes de l’article 597 du Code civil en vertu duquel l’usufruitier « jouit de servitudes, de passage, et généralement de tous les droits dont un propriétaire peut jouir » et qui rappelle de nouveau que l’usufruitier « en jouit comme le propriétaire lui-même ».

De fait, la Cour de cassation, si elle rappelle les prérogatives conférées à l’usufruitier qui doit pouvoir jouir des choses comme le propriétaire lui-même, prive ce dernier de l’action en garantie décennale au motif qu’il n’est pas propriétaire de l’ouvrage.

Cette décision est difficilement compréhensible, d’une part car l’usufruitier doit pouvoir exercer ses droits tel un propriétaire, et d’autre part car les seules limites dans l’exercice de ses droits résident dans la conservation de la chose.

Or, si la conservation de la chose s’analyse comme une restriction aux droits de l’usufruitier qui, à titre d’exemple, doit s’abstenir d’en disposer sous peine de nullité relative 2, cette obligation de conservation doit aussi s’analyser comme imposant à l’usufruitier d’adopter une attitude active tendant à la conservation de la chose.

En tout état de cause, conférer le droit d’action en garantie décennale à l’usufruitier lui aurait légitimement permis de remplir ses obligations de conservation puisque par essence, cette action vise à obtenir la réparation des dommages survenus sur l’ouvrage.

Si cette solution ne semble pas opportune au regard des droits et obligations de l’usufruitier, elle assimile en outre l’usufruitier au preneur à bail alors même que leur statut et prérogatives respectives ne sont pas semblables.

De fait, les termes de l’espèce sont manifestement similaires à ceux utilisés par la troisième chambre civile qui avait refusé d’attribuer l’action en garantie décennale au preneur.

Pour mémoire, la Cour de cassation avait affirmé « En sa qualité de locataire, la société n’était titulaire que d’un simple droit de jouissance sur l’ouvrage dont elle n’avait pas la propriété, ce qui ne lui permettait pas de se prévaloir de la qualité du maitre de l’ouvrage et qu’elle ne disposait donc pas de l’action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l’ouvrage, et non à sa jouissance » 3.

La décision de l’espèce rappelle d’ailleurs en tout point la jurisprudence applicable au preneur, notamment en ce qu’elle justifie l’absence de qualité à agir de l’usufruitier par l’absence de mandat conféré par le nu-propriétaire 4.

Cette transposition est néanmoins discutable : si le bail et l’usufruit portent sur la jouissance de la chose, la loi attribue de plus amples prérogatives à l’usufruitier, la durée de la convention en étant d’ailleurs un premier indice. Tandis que l’usufruit est généralement viager, le bail est le plus souvent, à temps.

L’atteinte aux droits du propriétaire constitue un second indice de la distinction qui aurait pu être opérée par la Cour de cassation. Alors qu’aux termes d’une convention de bail, le propriétaire s’oblige personnellement à procurer la jouissance de son bien au locataire, l’attribution de l’usufruit démembre la propriété et porte réellement atteinte au droit du propriétaire qui perd l’usage et la jouissance de son bien.

La Cour de cassation laisse néanmoins à l’usufruitier la possibilité d’agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle à l’égard de l’entrepreneur et censure le raisonnement des juges du fonds qui avaient retenu que « les demandes reconventionnelles présentées par cette société, sous couvert d’être fondée sur la responsabilité contractuelle de la société de travaux, s’avèrent être la conséquence des désordres allégués pour lesquels, sur le fondement de l’article 1792, est recherchée la garantie décennale du constructeur ».

La Cour de cassation considère que la Cour d’appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil

Read more